Une rencontre qui commence par un goût de voyage. 

C’est à la délicieuse table de Bénédicte et Bernard, amis maraîchers dont nous reparlerons plus tard, que nous avons savouré pour la première fois l’un des fromages de la ferme de la Pinsonnie. Un fromage bien particulier, dont la saveur et le nom évoquent pour nous un aller simple vers les rives méditerranéennes : le Halloumi. Originaire de Chypre, dont il est aujourd’hui appellation d’origine protégée, le Halloumi est un fromage à pâte semi-ferme emblématique de la région levantine et de sa cuisine. Il se mêlait ici à de délicieuses tranches de poires et de courge, dans un mille feuille succulent cuisiné par Bénédicte, accompagné d’un vin nature sélectionné par Bernard.

Chypre est une île sur laquelle nous nous sommes rendus à plusieurs reprises, et le Halloumi est pour nous synonyme de sandwichs mangés sur le pouce à la terrasse d’un café de Nicosie, de mezze dégustés dans un village chypriote, de tranches généreuses grillées au feu de bois, servies avec un trait d’huile d’olive, un peu de citron et du basilic à petites feuilles…

Quelle ne fut pas notre surprise, donc, d’apprendre de Bénédicte qu’une interprétation de ce fromage si cher à nos cœurs était fabriquée juste là, en Dordogne, à quelques kilomètres de chez nous ! 

Évidemment, cela nous a donné envie d’en savoir davantage, et quelques jours plus tard, nous sommes partis en direction de la fromagerie de la Pinsonnie pour y rencontrer Rik Meijer, artisan fromager, et Flavie, qui travaille à ses côtés depuis l’été 2021.

Ce jour là, le vent souffle fort, et nous sommes accueillis par un concerts de bêlements. Les brebis et leurs petits s’en donnent à coeur joie depuis le hangar, alors qu’elles entendent Rik et Flavie manipuler la nourriture qu’elles mangeront plus tard. Nous allons voir les animaux ensemble. Les agneaux les plus téméraires s’élancent vers nous, tandis que d’autres restent contre le flanc de leurs mères. D’ici quelques semaines, l’herbe sera assez haute pour leur permettre de passer toutes leurs journées au pâturage. En attendant, encore un peu de foin !

À la suite de Rik, nous entrons dans l’aile dédiée à la fabrication des fromages. Ici, le laboratoire, la salle d’affinage, et une pièce consacrée à la vente directe, qui a lieu tous les vendredis soirs à la ferme. Pour élaborer ses fromages, Rik se fournit en lait de vache, de brebis et de chèvre dans des fermes laitières voisines. Les animaux présents à la Pinsonnie lui permettent d’entretenir les nombreux hectares qui entourent la ferme, et quelques agneaux partiront à l’engraissage dans une autre exploitation.

Retour aux fromages. Flavie nous emmène devant ce qui ressemble à deux grands frigos, qui contiennent ses dernières créations. Des fromages crémeux à la texture parfaite, résultats de tests passionnés et de nouvelles recettes qu’elle prend grand plaisir à faire.

Les étapes de fabrication de ces fromages sont complexes pour qui n’est pas familier de ce domaine, mais elles ressemblent à un poème lorsqu’elles sont énumérées avec tant de passion. J’en retiens le caractère différent de chaque lait (vache, brebis ou chèvre), la subtilité de tous les paramètres qui entrent en jeu dans la fabrication des fromages : température, temps de maturation, choix de la présure, affinage, et soin apporté à chacun. Une alchimie précieuse et délicate, issue d’un savoir-faire pratique et théorique, pour offrir le meilleur.

Rik nous guide vers le laboratoire. Derrière la vitre, l’endroit donne une idée précise du processus nécessaire à la fabrication des tommes, sa spécialité. A travers la fenêtre, nous apercevons le tank dans lequel il ramène chaque semaine plusieurs centaines de litres de lait. Ici, la cuve de 1500 litres, qui servira à travailler le lait précédemment chauffé, afin d’obtenir le caillé qui permettra la réalisation des fromages. Plus loin, la presse, prête à recevoir les tommes en cours d’élaboration. 

Et à côté, dans une autre pièce : la caverne d’Ali Baba. C’est ici que des dizaines de tommes suivent leur processus  de séchage et d’affinage, leurs silhouettes rondes aux couleurs oranges, noires ou blanches (selon le lait utilisé) posées sur de grandes planches en bois.

Les fromages passent ici de quelques semaines à plusieurs mois, avant de pouvoir être dégustés. Il faut compter environ 10 litres de lait pour 1 kilo de fromage, même si cela varie parfois beaucoup suivant le type de lait. Ici, les tommes font 5 ou 10 kilos. Tandis que Rik nous parle des différentes saveurs associées à chacune de ces tommes, Romain rêve de s’en offrir une entière pour son anniversaire…

Dans la pièce consacrée à la vente, Rik ouvre une chambre froide remplie de fromages magnifiques. « Mais là elle est presque vide, car c’est le début de la semaine ». Des brebis crémeux côtoient des tommes de gouda périgourdin, mais aussi du beurre, du fromage blanc, ou encore… de la ricotta. 

Comme pour le Halloumi, la fabrication de cette version locale de la Ricotta est une manière pour Rik de proposer des fromages fermiers que l’on retrouve rarement sur les étals des marchés de la Dordogne. Une originalité au goût d’ailleurs, qui complète la gamme très riche des nombreux produits offerts par la ferme de la Pinsonnie. 

Dehors, les fleurs de printemps s’agitent dans les branches. Autour d’un café, Rik évoque ses nombreuses vies professionnelles, qui l’ont mené de sa Hollande natale à l’Arabie Saoudite, la Russie ou encore l’Allemagne. Ingénieur en agro-alimentaire, il a travaillé longuement dans le secteur, avant de poser ses valises en Dordogne pour se consacrer à l’élaboration de ses fromages. De son côté, Flavie raconte le bonheur de se sentir ici à sa place, au cœur de la production de produits qu’elle affectionne tant. 

C’est l’heure de partir. Nous saluons les ânes qui nous observent près des noyers, avant de dire au revoir à Rik et Flavie. Déjà, nous avons hâte de les retrouver à la ferme, ou sur les marchés, pour savourer à nouveaux leurs délicieux fromages. 

Fromagerie de la Pinsonnie, 24420 Coulaures

Pour retrouver les fromages de la Pinsonnie :
Vente à la ferme tous les vendredis, de 17 h à 19 h00
Marchés : Périgueux (mercredi et samedi) – Brantôme (vendredi) – Thiviers (samedi matin)