Rencontre savoureuse et colorée en Dordogne, aux Jardins Gourmands de la Tourouge.

Tout a commencé par un panneau. La première fois, je l’ai vu en passant par Coulaures, m’invitant à tourner à droite. Une flèche : « Les Jardins Gourmands de la Tourouge ». Le côté gourmand, ça me parle, les jardins aussi. Mais ce jour là, il fallait que j’aille tout droit. Alors avant que mes pas me mènent à nouveau vers Ludovic et Caroline, c’est internet qui m’a indiqué que les jardins de la Tourouge étaient une exploitation agricole familiale et biologique, spécialisée dans le safran. 

Caroline et Ludovic Lamand © Saisons Vertes

Plus tard, un peu par hasard, j’apprends que le safran ne se récolte qu’une fois dans l’année, en octobre. Justement, nous y sommes, et la ferme propose des visites de la safranière, avec initiation à la récolte et dégustation des produits élaborés par Ludovic à partir de la précieuse épice. Ni une ni deux, me voilà avec Romain sur les chemins de campagne en direction des parcelles sur lesquelles pousse le fameux « or rouge » de Coulaures. 

Ici, le terrain est argilo-calcaire, enfin plutôt « calcaire argileux », comme le précise Ludovic en souriant, rapport aux très nombreux cailloux qui peuplent la terre du coin. Mais ça n’est pas sans intérêt pour les bulbes de crocus sativus, qui aiment un sol drainant, et en profitent pour s’épanouir ici, où il sont 60 000 à être plantés à la main, et récoltés de la même façon.

Aux jardins de la Tourouge, tout est bio – zéro traitement, zéro amendement : la terre est vivante, fertile, et les plantations sont en équilibre avec la nature qui les entoure. C’est un endroit où l’on se sent bien, entre les arbres, sous la lumière d’automne. 

Notre visite coïncide avec la toute fin de la récolte, il n’y a donc pas de milliers de fleurs violettes et délicates à découvrir dans le champ – pour cela il fallait arriver plus tôt : c’est début octobre que les fleurs s’ouvrent, presque sans prévenir, et il faut alors que Caroline et Ludovic soient prêts à passer à l’action. Chaque fleur est ramassée à la main, avec beaucoup de soin mais aussi une très grande vivacité, car il faut cueillir la fleur le plus rapidement possible afin de bénéficier de toutes ses qualités.

Les chiffres sont impressionnants : 8000 à 12 000 fleurs sont récoltées par jour pendant cette période. Un moment particulièrement intense, qui mène souvent le couple jusqu’au milieu de la nuit, pour se remettre au travail aux aurores. Famille et amis viennent donner un coup de main précieux au moment de la floraison. 

Récolte des fleurs à safran © Saisons Vertes

La floraison des crocus sativus est groupée : les bonnes années, 80% de la récolte se fait en un à trois jours. Cela varie bien sûr suivant les conditions météo traversées au cours de l’été. Une fois les fleurs récoltées, il faut passer à l’émondage : Ludovic et Caroline retirent le pistil de chaque fleur, une étape minutieuse qui permet de mettre de côté la partie de la fleur qui sera utilisée par la suite.

Les pistils sont ensuite séchés, puis mis en bocaux pour quelques mois de maturation. Comme un bon vin, chaque récolte développe des saveurs particulières : 2019 sera plutôt boisée, 2020 plus florale, ainsi de suite. 

Côté saveur, difficile (enfin, pour moi !) de décrire celle du safran : le parfum de la fleur fraîche est très prononcé, subtil et presque acidulé, alors que l’épice séchée révèle un caractère plus dense, avec une pointe de réglisse en fond. Au goût, utilisé dans les pâtisseries que nous avons goûtées, c’est délicat, d’une très légère et agréable amertume. Le safran, dont les pistils sont rouges, colore les aliments d’un beau jaune doré. 

Dégustation safranée aux Jardins Gourmands de la Tourouge © Saisons Vertes

Ludovic et Caroline partagent leurs connaissances et leur travail avec générosité et passion. Comme beaucoup par ici, ils ont choisi de s’installer en Dordogne à la suite d’un coup de cœur pour la région.

Originaires du Pas-de-Calais, ils posent leurs valises dans le coin à la suite d’une première opportunité professionnelle, puis un jour, sur une intuition, tout s’enchaîne : ils trouvent cette parcelle boisée dans la campagne environnante, et décident de se lancer dans le safran, mais aussi dans les fleurs comestibles et les truffes. L’objectif : proposer leur production aux particuliers, mais aussi aux restaurateurs locaux. Une première année de test confirme leurs envies et les possibilités du marché. Quelques années plus tard, leurs sourires et leur plaisir à échanger autour de leur activité semblent confirmer qu’ils ont tous les deux fait le bon choix !

Les créations des Jardins de la Tourouge se retrouvent en vente directe à la ferme, au marché de Thiviers tous les samedis matin, et très bientôt sur internet, avec le lancement d’une boutique en ligne. 

Pour en savoir plus…

Les Jardins Gourmands de la Tourouge